Le patrimoine naturel de Béhorléguy

Le patrimoine naturel de Béhorléguy

Philippe Iñarra et Ander Zubeldia

Présenter la faune, la flore et les milieux naturels de Béhorléguy dans un article n’est pas une chose aisée, tant la richesse et la diversité sont importantes. Nous allons tenter de dresser un portrait général, loin d’être exhaustif, mais qui donnera au lecteur, nous l’espérons, l’envie de pousser un petit peu plus loin cette connaissance. Avant de commencer, il nous faut planter le décor : les conditions géo-climatiques, la géologie, l’altitude ou l’influence de l’homme sont autant de paramètres qui conditionnent la présence d’habitats naturels et par conséquent de plantes et d’animaux.

Qu’en est-il de Béhorléguy ?

Si l’on prend les différents éléments, nous pouvons définir tout d’abord le climat de type atlantique, fortement influencé par l’océan. Il se caractérise par des précipitations abondantes (entre 1000 et 2 500 mm/an), un taux d’humidité de l’air assez élevé et des températures moyennes peu extrêmes. Les hivers sont doux et humides, tandis que les étés sont frais. L’altitude quant à elle présente une variation d’environ 960 m : de l’étage collinéen, autour de 300 m d’altitude le long de l’Urhandia jusqu’à l’étage montagnard au plus haut sur l’Hauskoa (1 268 m). Cette amplitude a bien entendu une influence sur la végétation et son étagement.

En ce qui concerne la géologie, comme pour tout le Pays basque, celle de Béhorléguy est assez complexe, surtout sur la partie ouest-nord-ouest de la commune. On y distingue toutefois deux grands ensembles : une grande zone qui part du Nord de la commune et couvre tout le centre et l’est et qui correspond à la zone d’altitude du massif du Béhorléguy, soit environ les deux tiers de la commune. Elle est essentiellement constituée de calcaires et de marnes grises et noires. Une zone ouest-sud-ouest, bien plus complexe, constitué d’un mélange de roches calcaires, dolomies, marnes, schistes et ophites.

Cette complexité géologique de la partie basse de la commune et l’ensemble calcaire plus homogène du massif influent grandement sur les types de milieux et sur la végétation. On peut ajouter aussi que sur le massif du Béhorléguy, la végétation pousse sur des sols maigres. Le réseau hydrographique est faible puisqu’il ne concerne qu’un peu plus de 8 km de cours d’eau. Comme indiqué précédemment, l’étagement de la végétation est fonction de l’altitude, mais aussi de l’activité humaine. Le paysage que nous présente la vallée est caractéristique du paysage de la montagne basque.

Ainsi, même si le village de Béhorléguy se trouve à une altitude certaine, on retrouve les trois zones résultantes des pratiques pastorales et qui illustrent le lien entre usages et types de milieux naturels : le fond de vallée, où se trouvent les fermes, les prairies et les cultures. Cet étage prend la forme d’un paysage bocagé, constitué de près, de haies et de petit bois, et de ripisylves le long des cours d’eau ; la zone intermédiaire où se développent les forêts et les landes. C’est un espace qui a tendance à se fermer car peu ou plus utilisé. Il est souvent sujet aux risques d’incendies ; les estives essentiellement constituées de pelouses montagnardes ou subalpines.

Une petite balade à la découverte du patrimoine naturel de Béhorléguy

Le village de Béhorléguy est situé dans un paysage agricole. En effet autour du bourg, se succèdent des prairies plus ou moins pentues. Elles sont destinées au pâturage du bétail. Ovins et bovins se partagent ainsi le paysage peu accidenté à proximité du bourg et des cours d’eau. Les parcelles de prairies accueillent une grande diversité d’espèces végétales : des graminées accompagnées de fleurs des champs qui colorent la campagne du printemps à l’automne et des légumineuses comme les trèfles ou les lotiers. Certaines de ces prairies, les plus anciennes ou « prairies permanentes », peuvent contenir plus d’une quarantaine d’espèces floristiques différentes.

Ces milieux abritent une ressource alimentaire, non seulement pour les animaux d’élevage, mais également pour des espèces sauvages qui trouvent refuge en leur sein ou bien à proximité. Ainsi de nombreux pollinisateurs parcourent les pâturages à la recherche de nectar pour se repaître. D’autres espèces d’insectes et de petits mammifères habitent ces prairies et s’y alimentent comme des grillons, criquets et sauterelles, mulots et musaraignes. Certains ne font que s’y alimenter et préfèrent s’abriter au sein du réseau de haies bocagères et des ripisylves alentours.

On y retrouve des essences comme le chêne pédonculé, frêne commun, l’aulne glutineux... La strate arborescente structure ces milieux dans la hauteur. La seconde strate arborescente, plus basse, composée de sujets taillés en cépée permet d’étoffer la haie en largeur. On y retrouve des essences comme le châtaigner, le fusain d’Europe ou l’érable champêtre qui évoluent plus ou moins haut selon les haies. La strate buissonnante, composée d’arbrisseaux comme par exemple, le houx, le noisetier, le prunellier ou l’aubépine, peut se mêler à la strate de taillis ou à la strate herbacée. Certaines haies ne sont qu’arbustives voire ont été remplacées par une simple clôture. Ainsi, l’on trouve des haies multi-strates, plus ou moins denses, plus ou moins âgée et multi-espèces. On retrouve de temps en temps un chêne têtard ; il est la marque de fabrique du paysage bocager pastoral. Ces habitats accueillent de nombreux oiseaux granivores et insectivores, ainsi que des rapaces qui apprécient les milieux agricoles mais exigent un refuge à proximité : chardonnerets, pics, tariers, buses et milans.

Milan royal

 

Les pentes deviennent plus abruptes à l’est et au nord. Trop accidenté pour être exploité en tant que pâture, le milieu devient forestier. Le boisement mixte est composé de chênes pédonculés, chênes tauzins, châtaigniers, frênes… Les premiers hêtres font une apparition discrète. On y retrouve le cortège d’espèces présent dans les haies. La densité et la tranquillité de ces milieux en font également un habitat de prédilection pour des mammifères de taille plus importante tels que les sangliers, chevreuils et renards, ainsi que pour des espèces d’oiseaux plus forestières comme les mésanges, bouvreuils...

C’est en montant plus haut en altitude que nous retrouvons deux milieux remarquables.

Dans les zones les moins accidentées, on retrouve des espaces pâturés. Ces pelouses sont dominées par des graminées comme la fétuque rouge et l’agrostis capillaire. Elles présentent un cortège floristique important, avec des espèces comme l’agrostis à soie et la polygale à feuilles de serpolet. On peut assister par endroit au développement d’espèces colonisatrices en particulier la fougère aigle. Là encore, ce sont les modalités d’utilisation pastorale qui façonnent le paysage. Ces espaces ouverts et en altitude sont le terrain de jeu des rapaces charognards. Les vautours fauves sont nombreux à les parcourir à la recherche d’un repas. Économisant de l’énergie, ils cherchent les colonnes d’air chaud qui leur permettront de reprendre de l’altitude sans battre des ailes. Deux autres vautours font parfois une apparition, le percnoptère d’Égypte et le gypaète barbu viennent se nourrir des restes qu’ont bien voulu laisser les vautours fauves après leur curée. Les grands corbeaux, oiseaux opportunistes et charognards, cherchent eux aussi à se nourrir sur les carcasses. Leurs mouvements alertent les vautours de la présence de nourriture, ces derniers s’empressent alors de les suivre pour participer au festin.

Ces faciès sont souvent accompagnés sur les zones les moins pâturées car plus accidentées par une strate de ligneux bas, plus ou moins dense et haute : ajonc nain, bruyère, fougère aigle. Ces espèces sont caractéristiques de sols pauvres en éléments nutritifs. C’est cette infertilité des sol limitant la croissance des plantes qui explique leur « nanisme » : petites feuilles pérennes chez les bruyères et aiguilles coriaces chez les ajoncs. La présence d’ajoncs qui sont des légumineuses permet d’enrichir le sol en azote dont profiteront les bruyères pour se développer. Les épines ou la présence de tanins constituent un répulsif vis-à-vis du bétail ou des herbivores sauvages ; ils assurent ainsi à la végétation une économie de ressources déjà peu disponible.

Dans les secteurs d’affleurements rocheux, ou sur des pentes fortes, le sol est caillouteux et peu épais ; la faible rétention en eau qui en résulte détermine des landes sèches où la bruyère cendrée (Erica cinerea) est adaptée au déficit hydrique. À l’opposé, dans les bas de pente, la lande à bruyère à quatre angles, bruyère ciliée, bruyère de saint Daboec et bruyère vagabonde occupe les sols bien pourvus en eau mais sans excès. La callune (Calluna vulgaris), les ajoncs (Ulex spp.) sont les espèces compagnes de ces landes. Pendant l’été et l’automne, la succession et le chevauchement des périodes de floraisons des bruyères et callunes offre à notre regard des nuances de couleurs allant du blanc légèrement rosé au mauve, accompagnées de taches jaunes des ajoncs.

Bruyère de St Daboec

 
Bruyère vagabonde

A l’est et au nord, les premiers contreforts du massif forestier des Arbailles font leur apparition. A l’instar de la forêt d’Iraty, le massif des Arbailles est largement dominé par le hêtre. Le sous-bois est couvert de feuilles de hêtre dont la décomposition est lente, formant un épais tapis. Ce massif abrite des espèces d’intérêt communautaire caractéristiques des vielles forêts comme la rosalie des Alpes.

Par endroit les affleurements rocheux sont à nu et soumis à l’érosion et au temps, nous offrent un visage tantôt lisse et doux, tantôt découpé et chaotique. Ces milieux sont creusés de cavités et de grottes pouvant abriter les espèces cavernicoles que sont les chauves-souris. En particulier les rhinolophes, grands, petits et euryales, qui se distinguent par leur museau en « fer à cheval » et dont la présence est attestée. Ils sont nocturnes et se nourrissent exclusivement d’insectes volant qu’ils attrapent en vol grâce à l’écholocation. Les plus chanceux d’entre nous auront peut-être la chance d’apercevoir entre ces successions de milieux rocheux et de pelouses, le géranium d’Endress, petite fleur rose discrète, extrêmement rare et endémique des Pyrénées.

Quelques espèces ou milieu naturels emblématiques ou patrimoniaux

Ripisylve. La ripisylve est une formation boisée le long d’un cours d'eau, sur une largeur de quelques mètres à quelques dizaines de mètres. Les ripisylves jouent un rôle écologique important. Elles forment des corridors biologiques, augmentent la connectivité écologique des paysages et jouent pour ces raisons un rôle majeur pour le maintien de la biodiversité. Véritables filtres, elles protègent la qualité de l'eau, les berges et les sols riverains.

Chêne tétard. Un têtard est un arbre dont la forme résulte d'un mode d'exploitation ancestral spécifique (appelé étrognage ou trognage), consistant en des tailles périodiques spécifiques, afin de fournir principalement du bois et du fourrage et de stimuler la fructification. De nombreuses essences forestières (le plus souvent feuillues) peuvent être conduites en têtards.

Hêtre, pago. Le hêtre commun, est une espèce d'arbres à feuilles caduques, indigène d'Europe, appartenant à la famille des fagaceae, tout comme le chêne et le châtaignier. Il est l'une des principales essences des forêts tempérées d'Europe où on peut le trouver en peuplements exclusifs de hêtraies pures comme dans le massif des Arbailles ou dans la forêt d’Iraty. C'est une essence indicatrice d'un climat tempéré humide. Les forestiers en pratiquent de longue date la sylviculture pour la charpente marine, l'ameublement ou comme source de bois de chauffage.

Géranium d’Endress. Le géranium d'Endress est une plante très rare, endémique des Pyrénées. Très discret, il s’étale au sol et nous offre de petites fleurs roses à cinq pétales. Il existe très peu d’information sur cette espèce, mais le massif du Béhorléguy abrite une de ses rares stations.

Grand corbeau, erroi. Sacré chez les Celtes, le Grand corbeau coexiste avec les humains depuis des milliers d’années et dans certaines régions il est si commun qu’il est considéré comme une espèce nuisible. Le Grand corbeau est extrêmement opportuniste, se nourrissant de charognes, d’insectes, de déchets alimentaires, de céréales, de baies, de fruits, d'œufs et de petits animaux. Plusieurs cas remarquables de résolution de problèmes ont été observés chez cette espèce, ce qui laisse penser que le Grand corbeau est extrêmement intelligent. Il est présent en montagne dans les Pyrénées et parfois en plaine, dans certaines forêts, falaises ou bâtiments en ruine.

Vautour fauve, sai area. Le vautour fauve possède un long cou et une tête qui, malgré la croyance, ne sont pas dénudés mais dotés d'un fin duvet. S'ils étaient emplumés, ils se saliraient trop lors des curées ; à l'inverse, une peau nue rendrait difficile le nettoyage. Le duvet permet d'effriter facilement le sang séché et donc d'améliorer l'hygiène de l'oiseau. Strictement charognard, il se nourrit sur les carcasses de grands animaux qu'il détecte du haut du ciel grâce à sa vue perçante. Leur bec fort permet d'arracher muscles et viscères des carcasses. De nos jours, par suite de la raréfaction ou de la disparition des grands animaux sauvages (mouflons, chamois, bouquetins), le vautour fauve se nourrit principalement d'animaux domestiques morts (moutons, vaches, chevaux). 

Vautour percnoptère et vautour fauve

Gypaète barbu. Nécrophage, le gypaète barbu intervient en dernier sur une carcasse, se nourrissant principalement d'os, qu'il avale tels quels pour les plus petits. Il fait se briser les plus gros en les emportant en hauteur et en les laissant tomber sur les rochers. Il consomme également les tendons et les ligaments d'ongulés sauvages ou domestiques, qu'il ingère grâce à un gosier élastique. Doté de puissants sucs digestifs, il est capable d'utiliser les protéines, graisses et sels minéraux contenus dans cette nourriture dont il est un consommateur sans concurrence réelle. Étant le seul à pouvoir se nourrir de ce qui reste après le passage des autres charognards, notamment les vautours fauves ou les grands corbeaux, il peut patienter très longtemps avant de s'approcher des carcasses. Il contribue ainsi à leur élimination ultime. Le plumage du ventre naturellement blanc, le gypaète barbu se baigne dans des sources d’eau ferrugineuses afin d’adopter sa couleur orange. En général, le gypaète barbu niche dans les zones de montagnes situées aux limites supérieures de la forêt, de préférence dans une grotte ou vire surplombée dans une falaise escarpée, à proximité ou non de pierriers. Il est très rare : seulement quatre couples en Pays Basque, dont un sur Béhorléguy.

Rosalie des Alpes, kakalardo adarluze alpetar. Pas toujours facile à repérer, la rosalie des Alpes est assez fréquente dans les hêtraies d’altitude. Les adultes, actifs le jour, sortent en été entre juin et août suivant les années. La période est brève et c’est le seul moment où vous pourrez observer ce longicorne. Le reste de la journée et de la nuit, ils se réfugient dans le feuillage des arbres jusqu’à plusieurs centaines de mètres ou vont s’alimenter sur les fleurs.

Rosalie des Alpes

Rhinolophes. Les chiroptères, appelés couramment chauves-souris, sont les seuls mammifères doués du vol actif, à distinguer du vol plané que pratiquent les écureuils volants. Ils se déplacent dans les airs grâce à une aile formée d'une membrane de peau entre le corps, les membres et les doigts. La plupart des espèces ne se posent qu'exceptionnellement au sol et s'y meuvent maladroitement. Ils sont souvent capables d'écholocation : un système de localisation fonctionnant sur un principe similaire à celui du sonar : ils émettent des cris ultrasonores et captent en retour l’écho envoyé par les obstacles. Ils utilisent ce système d’écholocation sophistiqué pour naviguer et chasser la nuit. Les rhinolophes se caractérisent par les membranes nasales contournées qui entourent leur nez et en particulier par la membrane inférieure en forme de fer à cheval. Ces membranes serviraient à focaliser l’onde ultrasonore émise par leurs narines, et leurs grandes oreilles serviraient à capter l’onde d'écho.

Lucane cerf-volant

Hiztegia

Ainarra arrunta, txilara: callune commune. Ametz: chêne tauzin. Arrauka gorri: fétuque rouge. Astigar: érable champêtre. Basaerramu: fusain d’Europe. Elorri beltz, basarana: prunelier. Elorri xuria: aubépine. Gaztainondo: chataîgnier. Gorosti: houx. Haritz: chêne pédonculé. Haltz: aulne glutineux. Hirusta zuri: trèfle rampant (trèfle blanc). Hurrondo, hurritz: noisetier. Ilhar kantabriarra: bruyère de Saint Daboec. Iratze: fougère aigle. Lizar arrunt: frêne commun. Mandobiloa: agrostis à soie. Mendiko uso-belar: lotier corniculé. Ote beltz: ajonc nain. Ote xuri: ajonc d’Europe. Pago: hêtre. Sekula-belar, hirusta gorri: trèfle des près (trèfle violet). Txilar burusoil, ainar burusoil: bruyère vagabonde. Txilar iletsu, ainar iletsu: bruyère cilièe. Txilar lauhosto, ainar lauhosto: bruyère à quatre angles. Txilar purpura, ainar purpura, ilhar zuria: bruyère cendrée. Zaingorri (?): géranium d’Endress.

Adarluze alpetar, kakalardo adarluze alpetar: rosalie des Alpes. Amilotx: mésange. Axeria: renard. Basasagu: mulot. Basurdea: sanglier. Buzoka, zapelatz arrunta: buse variable. Errinolofoa euriala, ferra-saguzar euriala: rhinolophe euryale. Errinolofoa handia, ferra-saguzar handia: grand rhinolophe. Errinolofoa txikia, ferra-saguzar txikia: petit rhinolophe. Erroi: grand corbeau. Gailupa: bouvreuil. Karnaba, kardantxilo: chardonneret. Matxinsalto: sauterelle. Miru gorria: milan royal. Okil: pic. Orkatz: chevreuil. Oti: criquet. Kilker: grillon. Pitxartxar burubeltz: tarier pâtre. Sai area: vautour fauve. Sai xuria, behi bideko andere xuria (Xiberuan): percnoptère d’Egypte. Ugatz: gypaète barbu. Satitsu: musaraigne.

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