Géologie et grottes

Géologie et grottes à Behorlegi

Eric Dupré-Moretti


Présentation synthétique géologique *

Le village de Behorlegi est situé à la jonction de deux grands ensembles géologiques structuraux du versant nord-pyrénéen : le piémont pyrénéen ou « avant-pays plissé sous-pyrénéen » géologiquement constitué essentiellement du Flysch crétacé [* Crétacé, étage de l'ère Secondaire, entre -250 et -65 millions d'années (MA)] en marge méridionale du Bassin d'Aquitaine, et la chaîne pyrénéenne dont la zone primaire axiale constituée de roches paléozoïques * s'ennoie dans son extrémité occidentale excepté les massifs paléozoïques amygdalaires basques à savoir massif de l'Igounze, du Mendibelza, des Aldudes, du Baigura et de l'Ursuia.

Les Pyrénées sont nées de l'affrontement de deux plaques tectoniques * : la plaque européenne et la plaque ibérique qui sous la poussée de la plaque africaine tente de passer sous la plaque européenne. Cette subsidence aboutit au relèvement progressif de la marge méridionale de la plaque européenne jusqu'à l'émersion et l'érection progressive des Pyrénées, d'abord par l'apparition au Paléocène (60 MA) d'un bourrelet montagneux intracontinental, les « Proto-Pyrénées », aussitôt attaqué par l'érosion. On retrouve les sédiments de la mer dano-montienne [* Danien et Montien, étages du Paléocène situés au début de l'époque tertiaire] qui baignait les rivages de ce bourrelet montagneux en forêt d'Irati, au col d'Organbide à Iropile au-dessus d'Esterenzubi. Cette jeune chaîne fut quasiment pénéplainée jusqu'au milieu de l'ère cénozoïque [*Cénozoïque ou Tertiaire, entre -65 et -1,6 MA], il y a environ 23 MA. Partiellement arasée, les Proto-Pyrénées subirent à partir du Miocène [* entre -23 et -5 MA] plusieurs rehaussements du bâti et des mouvements cassants sous l'influence du cycle alpin. Puis, vers la fin du Pliocène *, suite au « paroxysme alpin » *, un rehaussement général du bâti paléozoïque affecta la chaîne pyrénéenne ce qui, relançant les processus d'érosion, procéda au rajeunissement de l'ancien réseau orographique * et à la mise en place du système orographique actuel. Ce rehaussement, calculé par les auteurs pour près de 1000 mètres pour les Pyrénées occidentales, procéda à un creusement rapide des vallées. Les vallées du Laurhibar et de Behorlegi se sont formées vraisemblablement à la suite de cette dernière surrection pyrénéenne plio-quaternaire.

Le village de Behorlegi est encadré par la cuvette triasique [* Trias, environ entre 250 et 205 MA] de Donibane-Garazi à l'ouest dans laquelle s'ouvre la vallée de l'Urhandia de même nature triasique, par les contreforts dévoniens [* Dévonien, environ entre 400 et 360 MA] du massif paléozoïque hercynien [* Hercynien, cycle orogénétique du Carbonifère, environ entre 290 et 250 MA] du Mendibelza au sud, et à l'est par le massif calcaire mésozoïque crétacé [* Crétacé, environ entre 130 et 65 MA] des Arbailles qui domine le village par son élévation axiale occidentale. Notons que le massif calcaire des Arbailles est le décollement de la couverture sédimentaire mésozoïque crétacée du massif de Mendibelza, décollement daté de l'Albo-Cénomanien par les géologues [* environ entre 105 et 95 MA]. Notons également l’existence des « poudingues du Mendibelza » [* terme inventé par Eugène FOURNIER en 1905] sur le pic des Escaliers, la montagne d’Okabe, le pic de Mendibelza. Ces poudingues constitués au Crétacé sont formés de galets polygéniques * calcaires, schisteux et quartzeux pour la plupart d’ordre décimétriques et impressionnés. Ils résultent de la destruction fluviatile de la marge septentrionale du continent de l'Ebre et de leurs dépôts dans des fosses marines périphériques.

L'affrontement des deux plaques tectoniques précitées a été complexe et il en a résulté la création de deux grands ensembles encadrant d'un bout à l'autre la chaîne des Pyrénées, l'un bordant le sud de la chaîne, le « Synclinal d'Aragon », l'autre bordant le nord, la « Faille Nord-Pyrénéenne ».

Le village de Behorlegi se tient sur la marge septentrionale de la « Faille Nord-Pyrénéenne » (FNP) qui borde le versant nord des Pyrénées. Cette faille complexe a travaillé au cours des différentes périodes géologiques (Mésozoïque et Cénozoïque) en coulissage senestre et dextre. Elle a subi également le long de ses points dirimants des effets de compression et de dissension dus à l'affrontement en coup de boutoir (avec poussée et retrait) de la plaque ibérique contre la plaque européenne ce qui a provoqué dans un cas des écaillages de terrains et dans l'autre la formation de bassins d'effondrement. Dans ces bassins multi-faillés se sont déposés divers sédiments dont des évaporites * pendant la période du Trias. Pendant la période du Trias supérieur à faciès de Keuper, des roches de type éruptif telle que l'ophite * sont remontées le long des diaclases de dislocation occasionnant ainsi des massifs intrusifs de plus ou moins grande importance sous forme d'appointement d'ophite dans le Keuper. C'est la raison pour laquelle la colline qui supporte la chapelle Sainte-Engrâce de Behorlegi est un pic ou appointement d'ophite. Notons que l'altération de l'ophite a donné des argiles kaolinitiques qui ont été exploitées par les potiers régionaux (gisements d'Ahaxe et de Saint-Jean-le-Vieux). Ces bassins d'effondrement ont été remplis d'une sédimentation constituée d'argiles bariolées gypsifères et salifères, et sont à l'origine des vallées triasiques (dépression de Donibane-Garazi, vallée de Bustince-Lakarre, vallée de Lekumberri-Behorlegi). Ces sels sont à l'origine des sources et fontaines salées d'Anhaux, Aincille et Ezterenzubi. Le ruisseau Urhandia a creusé son lit dans cette formation argileuse du Keuper y déposant ses alluvions successives, conséquentes des périodes glaciaires et post-glaciaire, à savoir les éléments graveleux altérés de la période glaciaire Mindel [* environ -600.000 à -300.000 ans] qui forme une bande sur laquelle se tiennent les villages de Lecumberry et de Mendive, les éléments graveleux altérés de la période glaciaire du Riss [* 3 périodes environ entre -200.000 et -120.000 ans], les galets, graviers et sables attribuables à la période glaciaire du Würm [* 4 périodes environ entre -80.000 et -12.000] et à la période post-glaciaire [* de -12.000 ans à actuel].

La marge septentrionale de la vallée de l'Urhandia est constituée d'une série sédimentaire marno-calcaire jurassique [* Jurassique, environ entre 205 et 130 MA BP] relativement complète avec une biostratigraphie significative pour certains étages. Elle se conjugue par étage de la base vers le sommet ainsi :

- étage Hettangien inférieur, brêche et dolomie calcareuse. Le village de Behorlegi repose sur cet étage.

- étage Hettangien supérieur, dolomie grise et calcaires dolomitiques rose-saumon.

- étage Sinémurien, calcaires rubanés oolithiques.

- étage Pliensbachien, calcaires argileux. Biostratigraphie : bélemnites et pectens.

- étage Toarcien et Aalénien, marnes et calcaires argileux.

- étage Dogger, calcaires à microfilaments.

- étage Oxfordien, marno-calcaires dits d'Hosta. Biostratigraphie : dalle à Perisphinctes (ammonites).

A cette série succèdent deux étages du Crétacé inférieur, à savoir :

- étage Aptien inférieur, calcaires et marnes.

- étage Urgonien, marnes noires.

- étage Albien inférieur, marnes noires micacées

[* cf. Dupré-Moretti, 1997 in Ekaina « Urt » - 1998, « Esquisse du bassin de l'Adour dans la région d'Urt », Ikartzaleak n° 21, pp. 33-45 - Dupré & Lopez, 2003, « Fugue en double-croche en foret d’Orion (Saint-Michel, Pyrénées-Atlantiques) », Ikartzaleak 24, pp. 27-39]

Les gouffres d'Aphanize, de Guillemberro et de Gamia

Comme dans tous les paysages calcaires, des gouffres et des grottes se sont formés sous l'action de l'eau météorique dans la région de Behorlegi. L'eau chargée en acide carbonique et sables érosifs a creusé des galeries d'écoulement à partir de diaclases présentes dans le massif calcaire. L'un des plus grands gouffres du secteur est celui d'Aphanize (-504 m) découvert au début des années 1960 par la Société Spéléologique et Préhistorique de Bordeaux. Il s'ouvre au fond d'une doline de l'Albien puis l'exploration continue avec un puits de transfert vertical de 328 m et d'environ 15 à 10 mètres de diamètre dans un calcaire de l'Apto-Urgonien. Ce puits a été vaincu en 1972 par trois spéléologues confirmés (Jean-Pierre Combredet de Paris, Paul Courbon de Toulon et Ruben Gomez d'Artix) à l'aide d’une nouvelle technique de descente et remontée sur corde qui utilisait des descendeurs individuels à poulies fixes et des bloqueurs de remontée Jumar.

Un autre gouffre, moins profond, s'ouvre près de la source de Gilenberro sur le territoire de Behorlegi : le gouffre de Guillemberro avec une profondeur de 332 mètres atteinte après la descente d'un puits vertical de 132 m. Ce gouffre a été exploré en août 1979 jusque dans sa partie terminale par Joël ROY de Chatellerault et Jean-Yves BIGOT d'Evron.

Il existe bien d'autres gouffres dans le secteur mais deux gouffres d'une cinquantaine de mètres de profondeur se situent au-dessus et dans l'orient du col de Gamia : le gouffre « Francis Gaudeul » et le gouffre « Denis Elissalde ». Le premier, membre d'honneur du club spéléologique basque Ziloko Gizonak est le découvreur de ce gouffre dans les premières années de la décade 1970, le second porte le nom d'un spéléologue du Ziloko Gizonak décédé accidentellement à Sare en 1976.

L'exploration des grottes et des gouffres d'Iparralde a donné lieu à des découvertes paléontologiques intéressantes, notamment entre autres l'identification de squelettes d'ours.

Apparues, il y a environ -1,6 million d’années avant notre ère, deux branches d’ours se sont détachées de l’Ursus etruscus; l'une a donné la branche des Ours Bruns à laquelle appartient l'Ours Blanc, l'autre a donné un ours plus massif au régime alimentaire plus herbivore qui fréquentait les grandes cavernes plutôt que les tanières, l'Ours des Cavernes. Bien avant que ne se détache au sein des Ours Bruns la lignée des Ours Blancs, est apparu, entre -500.000 ans et -85.000 ans, la lignée des Ours Bruns pyrénéens; d'un autre côté, sur le même territoire, la lignée des Ours des Cavernes s'est développée et a évolué de la forme deningeri à la forme spelaeus. D'Ainhoa à Sainte-Engrâce, les gisements d'ossements d'ours ne sont pas rares dans les grottes ou avens. Les ours, animaux ubiquistes, colonisaient aussi bien les forêts de basse-altitude que les montagnes. Si l'Ours des Cavernes s'est éteint vers la fin de la dernière glaciation, l'Ours Brun pyrénéen quant à lui a réussi à sortir de la Préhistoire (mais pour combien de temps ?).

L’ours des cavernes apparaît environ 150.000 ans avant notre ère dans sa forme Ursus spelaeus spelaeus et disparaît au cours ou vers la fin du Magdalénien, vers -12.000 ans. En règle générale, les gisements d’ossements les plus nombreux se situant pendant la dernière glaciation font dire à Frédéric Edouard KOBY (1890-1969) que l’Ursus spelaeus est « le plus würmien parmi les animaux du Quaternaire ». Quelques ossements de squelettes d’Ours des Cavernes du Pays Basque ont été datés ; par exemple, ceux de la grotte d'Oillaskoa (Eyralarre – Saint-Michel) datent -18.720 ans ± 350 c'est-à-dire environ -16.725 ± 350 av. J-C (Ly 2856, Clot & Evin 1983).

L’espèce spéléoïde primitive, l’Ursus deningeri Reichenau 1904, est bien connue de certaines grottes du Sud-Ouest aquitain; une race intermédiaire entre le deningeri et le spelaeus a été observée dans des grottes des Pyrénées et notamment des Pyrénées basques, aussi bien en Iparralde dans la grotte d’Oianbelza sur la commune de Eyralarre – Saint-Michel (CLOT 1981) ou la cavité C-13 dans le massif des Arbailles (Barthe 1981) qu'en Hegoalde dans la grotte de Leziattiki en Gipuzkoa (Altuna 1975). Bien évidemment, il faut bien imaginer que les divergences génétiques qui séparent deux espèces n'apparaissent pas d'un seul coup comme d'un coup de baguette magique mais commencent par une décohésion génétique au sein d'une population quelquefois longtemps avant la séparation nette en deux espèces distinctes; cette séparation définitive s'exprimera par exemple suite à un stress important, variation climatique ou alimentaire, ou à la rupture du flux génique, mise en place d'une barrière biologique ou création d'isolat; au sein de la population vicariante, même après une séparation spécifique, continueront à apparaître dans la population-mère des individus ou des groupes d'individus à caractères évolutifs, et dans la population-fille, des individus ou des groupes d'individus à caractères archaïsants. C'est le cas de cet Ours des Cavernes intermédiaire entre le deningeri et le spelaeus de la grotte d’Oianbelza dont les ossements sont actuellement en cours de datation.

Quant à l’Ursus arctos Linne 1758, il est fait une distinction entre un arctos fossile (Ursus arctos arctos) et l'arctos actuel (Ursus arctos marsicanus Altobello 1921). L’Ours Brun fossile était beaucoup plus grand et plus massif par exemple que l’actuel Ours des Pyrénées; mis à part un «développement plus prononcé de la région occipitale», il ressemblait davantage à l’ours des îles Kodiak d’Alaska.

En règle générale, les ours préhistoriques, Ursus spelaeus et arctos confondus, ont occupé tout le territoire d'Iparralde, de l'Adour au nord à la chaîne pyrénéenne au sud. Nous les retrouvons aussi bien dans les falaises de Sordes au bord du Gave (« Duruthy »), qu'en altitude, à Larrau dans la grotte de Zazpigaña (1485 m) pour le spelaeus, plus haut encore pour l'arctos puisque présent dans la caverne d'Uthurri Otze Punta (1685 m) (Clot 1986).

Dans le massif des Arbailles, au cours des années 1960, les spéléologues de la Société Spéléologique et Préhistorique de Bordeaux, puis ceux de la Société de Pau au cours des années 1970-1980, découvrent de nombreuses cavités renfermant des squelettes d’ours; pour ne citer que quelques noms de cavités (liste non exhaustive): « aux Ours » (bauges, griffades, ossements d’Ursus spelaeus), « karbia » [griffades et ossements d'Ursus spelaeus (diagnose DUPRE 1984)], « gouffre des falaises d'Haizpea » (bauges, empreintes, griffades et ossements d'Ursus spelaeus – Jean-Pierre BESSON 1977), « d’Etxekortia » (bauges et ossements d’Ursus arctos – Jean-Pierre Besson 1985), «d’Harzabaleta» [ossements d’Ursus spelaeus et Ursus arctos (Clot 1986) – Gérard Cazenave & al.], « de Lezenobi » [ossements d'Ursus spelaeus (Clot 1986) – Jean-Michel Barthe & Jean-Pierre Besson 1979], « C-13 » [ossements d'Ursus deningeri (Barthe 1981) – Jean-Michel Barthe 1981], etc.

Dans le massif d’Orri, plusieurs cavités ont livré des ossements d’ours (liste non exhaustive) : « Grotte de Betzula » (bauges, griffades et ossement d’Ursus spelaeus), « de Zazpigaña » [ossements d'Ursus arctos et spelaeus (Clot 1986) – Jean-Pierre BESSON 1969,1981 & 1985, Gérard Cazenave, Eric Delaître 1985], « Uthurri » [ossements d’Ursus arctos (CLOT 1986) – Jean-Pierre Besson 1983], « d'Akerlezia » [ossements d'Ursus arctos (Clot 1986) – Henri Coiffait 1950, Ruben Gomez 1972], etc.

Dans la montagne basque, en Navarre, un certain nombre de cavités contiennent des ossements d’Ours des Cavernes et d’Ours Brun (liste non exhaustive): sur le massif d’Urkulu, la «de los Osos» ou « cueva deñu» municipio d’Orbaiceta [bauges, griffades, empreintes de pattes, ossements d’Ursus spelaeus et Ursus arctos (CDS-64, Ziloko Gizonak 1980)], sur le massif des Aldudes près de Sorogain, la «de Ahadi» municipio de Cilveti (Ursus arctos), sima de Eyharce ou de Belaun [bauges, griffades et ossements d'Ursus arctos (Jean-Pierre Besson 1980)] au-dessus du village des Aldudes.

[* cf. Dupré,1991, « Les karsts du Pays Basque Nord », Ikartzaleak n° 15, pp.55-56 (& 53-59) - Dupré & Saint-Arroman, 1995, «Les Ours préhistoriques du Pays Basque – 1ère partie – Evolution et systématique», Ikuska n° 14, pp. 63-70 - Dupré-Moretti & Saint-Arroman, 2013, « Les Ours préhistoriques en Pays Basque (2) », Ikuska n° 19, pp. 1-33]

La dalle à Perisphinctes du Belxu – massif des Arbailles *

Parmi les fossiles-directeurs, les plus remarquables sont les Ammonites. Ces dernières sont des céphalopodes habitant une coquille enroulée ou quelques fois déroulée; elles sont apparues au début du Mésozoïque, et ont disparu plus ou moins soudainement au passage à l’ère Cénozoïque (limite K/T). Elles sont morphologiquement proches du nautile actuel qui, quant à lui, a dépassé le cap fatidique des extinctions massives de la fin du Mésozoïque. Les apparitions, évolutions et extinctions rapides des différents genres d’Ammonoïdae au cours du Mésozoïque en font de remarquables fossiles-directeurs. Les corrélations faites entre ces macro- fossiles et les micro- fossiles que sont les foraminifères ont permis de les classer d’une façon chronologique acceptable dans les différents strato-types. Aujourd’hui, ce classement est de mieux en mieux affiné grâce aux corrélations entreprises entre les macro- fossiles, les micro- fossiles et les nano- fossiles.

Suite à l’orogenèse hercynienne qui prend fin au Permien c’est-à-dire vers environ –290 MA, il est resté un certain nombre de cratons, prismes crustaux ou massifs îlotiers qui au Permo-Trias étaient encore émergés plus ou moins faiblement notamment le massif de Mendibelza, le massif des Aldudes (ou Cinco-Villas). Leur marge externe, peu profonde, sujette à un système évaporitique pendant le Trias (entre –250 et 205 MA), est transgressée par les mers au cours du début du Jurassique suite soit à un phénomène de subsidence soit à un phénomène de rejeux verticaux du socle. Les marges externes de ces massifs connaissent alors, pendant le Jurassique inférieur, moyen et au début du Jurassique supérieur, un régime sédimentaire argilo-carbonaté c’est-à-dire une succession de dépôts de sédiments terrigènes et carbonatés.

C’est à l’Oxfordien supérieur (entre environ –150 et –145 MA) que se forment les « marnes d’Hosta » constituées sur une épaisseur de 100 à 300m d’une alternance de marnes schisteuses gris-noir et de marno-calcaires sombres avec, au toit, des calcaires marneux en dalles d’une vingtaine de mètres de puissance contenant des ammonites Orthosphinctes et Rasenia avec à la base une sole de quelques mètres de puissance constituée de calcaires marneux noduleux contenant des Perisphinctes roulés.

C’est dans ce dernier contexte géologique que se situe la « dalle à Perisphinctes » du Belxu d’âge rauracien et argovien supérieur : ces ammonites que l’on appelle communément « ammonites thétysiennes » indiquent une liaison entre l’océan Proto-Atlantique, domaine marin occidental et la Mésogée ou mer Thétys, domaine marin oriental, leur présence signalant encore un climat chaud. Cet échange entre les deux domaines marins a été rendu possible par l’affaissement du môle occitan, sorte de frontière naturelle entre le Proto-Atlantique et la Mésogée.

Ces ammonites se présentent pour une grande majorité d'entre elles avec des inclusions de calcite, et sont assez dégradées du fait d’avoir subi les effets d’un roulement hydraulique ce qui rend leur détermination subgénérique précise assez délicate voire impossible pour certaines telles que les genres Arisphinctes et Orthosphinctes. Néanmoins ont été déterminés par les géologues et paléontologues : Euaspidoceras perarmatum Zittel 1868 (# 1819), Dichotomosphinctes rotoïdes Arkell 1937 (# Ronchadze 1917), Dichotomosphinctes kiliani DE RIAZ 1898, Dichotomosphinctes wartae BUKOWSKI 1887, Ochetoceras hispidum OPPEL 1863, Ochetoceras marantianum d’ORBIGNY 1850, Perisphinctes biplex SOWERBY , Subdiscosphinctes lucingae FAVRE 1875, Otosphinctes sorlinensis DE LORIOL 1898, Dichotomosphinctes stenocycloïdes SIEMIRADZKI 1898, Properisphinctes bernensis DE LORIOL 1898.

[Classement zoologique des Perisphinctes : mollusques (embranchement des Mollusca LINNE 1758) de la classe des Céphalopodes (Cephalopoda CUVIER 1797) de l’ordre des Ammonoïdea (ZITTEL 1884) du sous-ordre Ammonitina (HYATT 1889) de la super-famille des Perisphinctaceae (STEINMANN 1890) de la famille des Perisphinctidae (STEINMANN 1890) de la sous-famille des Perisphinctinae (STEINMANN 1890) du genre Perisphinctes (WAAGEN 1869)].

Qu’il nous soit permis ici une petite digression : certaines ammonites ont été dégradées naturellement par les fluctuations météoriques et climatiques mais aussi par le prélèvement intempestif et les coups maladroits des marteaux des collectionneurs de fossiles qui depuis une cinquantaine d’années se succèdent au Belxu... plus qu’un problème d’une réglementation aussi inutile qu’inefficace, et quelques fois bien ridicule, ce problème est d’abord et avant tout une affaire d’éducation, de formation et d'information.

[* cf. DUPRÉ-MORETTI, 2006, « Les fossiles, l'évolution, la dalle à Perisphinctes du Belchou dans le massif des Arbailles, la dalle à Pachydiscus d'Erretegia à Bidart (Pyrénées-Atlantiques) », Ikartzaleak n° 26, pp. 49-58 – in Ikuska n° 21, 2014, pp. 1-17]

Le gisement d'oligiste d'Egourze *

Dans la terminaison orientale de la vallée d'Urhandia, à environ 1000 m au Sud-Ouest du pic de Behorlegi se trouve un gisement de fer dit « gisement d'Egourze ». Le minerai d'Egourze est un oligiste silicaté bleuâtre et schisteux qui contient, à l'état brut, 25% de Fer. Il est semblable aux minerais d'Ahargo, d'Aincille et de Çaro mais l'ophite intercalée entre les grès et les calcaires, empâte l'oligiste; ce dernier, mêlé de gypse contient 30,3% de Silice. Ce gisement a été évoqué par Frédéric de DIETRICH en 1786 dans son ouvrage « Description des gîtes de minerai, des forges et des salines des Pyrénées » aux éditions Didot..

La concession d'exploitation du fer d'Egourze fut accordée par le décret impérial de 1862 dans les limites géographiques suivantes : au Nord et Nord-Ouest, par la limite des communes de Mendive et Berhorléguy depuis le point A du plan où cette limite fait par rapport à Mendive un angle rentrant, jusqu'à la fontaine d'Oxalatée où se trouve la borne tribanale des l'Est, par la limite des communes d'Alçay et Mendive jusqu'au point C où le ruisseau d'Arbareix conflue avec la rivière d'Ilounatée ou de Halcaldée. Au Sud, par le cours de la-dite rivière depuis le point C jusqu'au point D où elle conflue avec le ruisseau Urruti-Coborda. A l'Ouest, par 2 lignes droites, la première joignant le point D à l'angle Nord-Est de la maison dite des Bordes de Carrecarré (point E) et la seconde joignant le point E au point A de départ.

La superficie de cette concession est de 9 km2 46 hect et 15 ares et cette dernière n'est applicable qu'au minerai de fer.

Une synthèse historique de la concession d'Egourze et de l'usine à fer de la vallée de Mendive peut être résumée ainsi :

- En 1834, Bertrand GEOFFROY, Maître des Forges à St Paul les Dax, LORE-DUROUX et DELHEM, propriétaires d'un gisement de fer à Çaro et Aincille près de St Jean le Vieux, pétitionnent l'autorisation de construire une usine à Fer à Mendive. Parallèlement et concurremment, le banquier Joseph PERIER et Achille PENE font de même. Le 7 août 1838, a lieu l'inauguration de l'usine à fer de Mendive qui comprend deux hauts-fourneaux. Le Mémorial des Pyrénées précise que cette usine, construite sous la direction de M. ADCOGNE, ingénieur-mécanicien anglais, et de l'architecte parisien M.VUIRTOULOUP, appartient à Achille PENE. En 1842, l'usine à fer de Mendive fait faillite et est saisie. Le 2 octobre1852, l'établissement est adjugé au banquier parisien ARDOIN et Cie. Le 22 février1862, un décret impérial accorde à Adrien LANGLOIS la concession d'Egourze. En mai 1866, les hauts-fourneaux de l'usine à Fer de Mendive sont éteints. Le 25 mars1868, un décret impérial porte acceptation de la renonciation à la concession d'Egourze. Adrien LANGLOIS est affranchi des redevances à partir du 1er Janvier 1868.

Finalement, le gisement d’Egourze très peu rentable a été très peu exploité et n’a pas permis à l’usine à fer de Mendive de perdurer au-delà de quelques années malgré l'apport néanmoins peu important de Çaro et Aincille.

[* cf. DUPRÉ-MORETTI & SAINT-ARROMAN, 1994, « Inventaire diachronique des sites miniers et métallurgiques du Pays Basque Nord - 1993, Province de Basse-Navarre. » in Ikartzaleak nº 18, 1994. Un exemplaire sans le titre Ikartzaleak à la Direction des Antiquités Historiques d’Aquitaine, SRA Bordeaux 1994 - DUPRÉ-MORETTI & SAINT-ARROMAN, 1995, « Inventaire des mines et sites métallurgiques du Pays Basque nord, 1994 – province de la Soule », Ikartzaleak n° 19, pp. 37-56]

Le gisement d’uranium d’Hosta *

À la fin des années 1950, des recherches de minerai d'uranium * ont été effectuées par M. FOLGOAS, prospecteur du Centre d'Énergie Atomique (CEA) dans la région septentrionale de Behorlegi au niveau du secteur de Hosta au nord-ouest de la maison Olhaberria (Olharria) sur le flanc occidental de l'Azarka Bizkarra. Suite à cette mission de recherches, une nouvelle mission (Mission des Pyrénées Occidentales basée à Saint-Jean-Pied-de-Port) eut lieu en 1959 sous l'autorité d'un ingénieur du CEA, M. RIVERON, et son adjoint, M. HERY.

La stratigraphie montre un houiller schisto-gréseux à fossiles végétaux plissé et faillé d'âge stéphanien surmonté en discordance de grès clairs à séricite permiens d'environ 50 mètres de puissance, eux-mêmes coiffés par une formation pélitique rouge d'environ 75 mètres de puissance surmontée elle-même d'une alternance de grès clairs micacés, de psammites et de pélites gréseuses rouges d'une puissance d'environ 350 mètres. Quelques ophiolites triasiques litées affleurent en concordance.

Les indices uranifères d'une teneur de 1,85°/°° sont présents au sein d'une formation schisto-gréseuse et des calcaires gréseux d'une puissance de 1 mètre mais peu étendus latéralement. Ils sont contenus dans des chenaux de grès clairs à minéralisation de silicates, vanadates et phosphates, d'âge saxonien * contenant également des fossiles végétaux, le tout intercalé en sandwich dans un ensemble comprenant à la base des grès permiens et au toit des pélites argileuses rouges. Ces indices, en lien avec l'accumulation et la dégradation des végétaux piégés dans les chenaux fluviatiles, n'ont pas été jugés assez riches pour être exploités.

[* DUPRÉ-MORETTI & SAINT-ARROMAN, « Les indices uranifères du Pays Basque français », Ikuska, sous presse].

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